10 principes pour une organisation stigmergique

Culture générale 7 mars 2024

La stigmergie est un mode de coordination indirect où une action laisse une trace stimulant une action suivante, créant ainsi une activité auto-organisée cohérente sans nécessiter de plan ou de communication directe entre agents.

Action-> Trace -> Action -> Trace

1er principe : les actions doivent laisser des traces

La visibilité et la durabilité des traces influencent la coordination, avec des traces persistantes permettant des actions asynchrones et des traces transitoires nécessitant des actions synchrones.

On citera par exemple ces chemins non prévus dans l'aménagement des espaces que l'on reconnait à leur trace laissée dans l'environnement par l'ensemble des agents l'ayant fréquenté, et créant une nouvelle norme ou habitude :

Les anglo-saxons appellent cela "desired path"

2ème principe : le modèle doit être ouvert a priori

L'ouverture et l'accessibilité des données sont essentielles pour permettre l'auto-organisation. Si l'information est cachée ou difficilement accessible, la spontanéité dans les processus d'auto-organisation est compromise.

Rendre visibles les traces (1er principe) facilite la participation spontanée, contrairement à une approche limitée où seules quelques données sélectionnées sont partagées pour solliciter des retours.

Cela n'implique pas une ouverture totale, mais plutôt une approche initiale ouverte, car le contrôle excessif risque de briser l'émergence de l'auto-organisation et de perdre les avantages potentiels.

3ème principe : un contrôle doit se faire a posteriori

Pour des entités poursuivant un but, un objectif défini (par exemple les entreprises ou des communautés comme Wikipédia), un contrôle a posteriori est nécessaire pour assurer la qualité du résultat ou respecter des délais précis.

C'est le revers de la médaille d'une ouverture a priori (2ème principe).

Contrairement aux modèles hiérarchiques ou de consensus avec un contrôle a priori et une autorisation a posteriori, la stigmergie opère avec une autorisation a priori et un contrôle a posteriori.

(Notons que dans certains écosystèmes ne poursuivant pas d'objectif prédéfini, (comme certains logiciels libres) ces systèmes peuvent se passer du contrôle a posteriori et évoluer dans diverses directions. Cependant, il est à noter qu'habituellement, les logiciels qui (sur)vivront auront convergé vers une direction, définissant des objectifs ultérieurs et appelant un contrôle en seconde intention.)

4ème principe : le groupe doit être grand et hétérogène

Il est nécessaire d'avoir un groupe de grande taille pour maximiser la probabilité de disposer de toutes les compétences nécessaires à l'accomplissement des tâches. C'est un sujet récurrent ici que nous avons déjà abordé pour expliquer comment l'intelligence collective survient dans des contextes où le nombre favorise la créativité et annihile les biais. Voir cet article, ou celui-ci ou celui-là.

A l'ère des réseaux, les contributeurs externes peuvent participer activement à la création, la promotion et même au financement de produits ou services, rendant floue la frontière entre l'intérieur et l'extérieur d'une organisation.

La diversité des agents dans un groupe est cruciale pour accroître la probabilité de trouver les compétences requises pour les tâches, favorisant ainsi une intelligence collective accrue, comme observé lors d'événements co-créatifs

En somme une diversité de talents est plus productive qu'une concentration de compétences.

En plus du nombre et de la diversité des talents, les interactions entre les agents sont cruciales, car la connexion entre les individus crée une différence fondamentale entre une simple foule et une véritable communauté.

5ème principe : les agents doivent d'auto-allouer les tâches

Les modèles traditionnels assignent des tâches prédéfinies aux individus ou groupes, ce qui pose deux problèmes majeurs :

  • la difficulté de prévoir toutes les tâches nécessaires
  • le fait que cela contraigne les agents à s'adapter aux tâches plutôt que l'inverse.

En stigmergie, les agents ont la liberté de choisir leurs positions et les tâches auxquelles ils contribuent, favorisant ainsi leur engagement là où ils excellent et où leurs compétences sont les plus utiles pour le projet.

6ème principe : l'organisation doit favoriser de petites équipes spécialisées et agiles

La stigmergie favorise la fragmentation en noeuds spécialisés plutôt que la croissance continue du modèle entrepreneurial traditionnel.

Plutôt que de former de grandes structures artificielles, les mécanismes d'auto-allocation devraient réguler une croissance distribuée. Jeff Bezos, que l'on ne présente plus, à la tête d'un mastodonte, encourage des équipes de taille restreinte selon la "règle des deux pizzas" pour favoriser une communication de qualité. Cette règle induit que deux pizzas doivent suffire à nourrir une équipe de travail en réunion.

Les petits groupes de travail permettent des interactions de meilleure qualité par rapport à des groupes plus vastes, où le coût et le temps de communication augmentent exponentiellement.

En permettant aux individus de s'organiser librement (5ème principe), cela conduit naturellement à la formation de petits groupes favorisant une interaction et une communication aisées.

7ème principe : il est nécessaire de distribuer les tâches critiques

L'auto-allocation des tâches peut mettre de côté les activités les moins attractives, suggérant qu'elles pourraient ne pas être nécessaires pour atteindre les objectifs. Il faut au contraire analyser cet état comment une conséquence de l'auto-allocation : si des tâches restent orphelines c'est qu'elles sont rebutantes, ce qui ne les rend pas moins essentielles.

Il faut s'efforcer de repérer les tâches critiques qui ne trouvent pas preneur.

Pour des organisations avec des buts précis, combiner la stigmergie avec des structures hiérarchiques traditionnelles est crucial pour gérer des tâches critiques, qu'il faudra distribuer (en entorse au principe 5 d'auto-allocation).

8ème principe : il faut accepter les projets parallèles et concurrents

En stigmergie, les agents ont l'autonomie de rejoindre un projet existant ou d'en créer un nouveau. Cela induit la possibilité de branches parallèles sur le même sujet.

Contrairement aux projets classiques où la division en branches peut affaiblir le projet en diluan les énergies, dans la stigmergie, cette diversité et redondance créent des opportunités.

La multiplicité des solutions, bien que semblant inefficace, enrichit l'écosystème et attire davantage d'utilisateurs et de contributeurs, favorisant ainsi son expansion.

Par exemple, WordPress est issu d'une bifurcation du logiciel b2/cafelog, générant un écosystème florissant avec de nombreux thèmes et plugins.

Cet effet est également observable dans l'écosystème Linux avec ses différentes versions coexistantes.

Une organisation stigmergique devrait donc favoriser et accepter la coexistence de projets concurrents portés par des agents, encourageant leur développement via des outils et pratiques adaptés.

9ème principe : les règles doivent être simples

Le principe de stigmergie a d'abord été observé dans la nature, en particulier dans des colonies d'insectes sociaux.

Dans ces "sociétés" la complexité émerge de règles simples en réponse à des signaux environnementaux. Par exemple, les termites ajoutent des phéromones aux boules de boue et en les plaçant à côté de boules similaires. La reproduction d'un comportement systématique définit un système où nait un comportement collectif complexe. Pourtant celui-ci résulte de règles simples combinées avec de nombreuses interactions entre agents, qui finit par former une structure complexe.

Dans le travail en groupe selon le modèle stigmergique, l'utilisation de règles simples est cruciale. Des règles compliquées deviennent des barrières à l'action spontanée, surtout avec un grand nombre et une grande diversité d'agents.

Les organisations vieillissantes tendent à devenir complexes et impraticables en accumulant des règles multiples pour anticiper chaque scénario. Dans ces usines à gaz, plus personne ne comprend ce qui est attendu, et l'organisation finit par se scléroser elle-même sous le poids de ses règles accumulées et illisibles.

10ème principe : les objectifs prépondérants définissent un socle d'identité commune

Les "objectifs prépondérants" sont, dans l'organisation stigmergique, des aspirations majeures qui rassemblent les individus au-delà de leurs différences pour atteindre des résultats significatifs, dépassant ce qu'ils pourraient accomplir individuellement.

Ces objectifs peuvent se manifester à travers une mission d'entreprise, des valeurs et une culture, des descriptions de projets ou des lignes directrices, visant à asseoir les buts et les valeurs du groupe.

Ils aident à façonner l'identité collective et attirent ceux qui partagent ces valeurs, jouant ainsi un rôle crucial dans la formation des attentes et des procédures de la communauté.

Ce sont des éléments de vision qui créent un socle d'appartenance, un moyen de dépasser les différends personnels et définissent quelles trajectoires méritent ou non qu'on continue d'y consacrer des ressources.

Ce dernier principe, est donc sans doute le plus fondamental.

S'il est présenté en dernier, c'est bien qu'il semble le plus naturel. Or, puisqu'il est naturel, ce sont sur les autres qu'il faut travailler pour mettre en place une organisation réellement stigmergique.


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