Créer une communauté durable

Nous avons vu dans un précédent billet comment recruter et faire participer les membres de sa communauté.

La question que nous allons nous poser ici est : comment les faire revenir, leur faire prendre l’habitude de participer à la vie de la communauté.

Le mot important qui précède est « habitude ». Il faut créer une habitude. Et pour ce faire, les récompenses vont beaucoup aider.

Il ne s’agit pas (seulement) d’offrir des bonbons ou des réductions : il faut créer chez les membres un sentiment de reconnaissance.

La communauté recrute les membres en satisfaisant à leur besoin d’appartenance, elle les garde et les engage en nourrissant leur besoin d’estime, une marche plus haut dans la fameuse « pyramide de Maslow ».

(NB : à travers la communauté certains satisferont aussi le besoin d’accomplissement de soi, ce ne sont pas les plus nombreux et concernent surtout les membres « core »).

Il est vital pour la communauté que ses membres se sentent reconnus et soient récompensés pour leurs contributions. C’est la règle pour qu’ils reviennent et s’ancrent dans la communauté : qu'ils prennent l'habitude de contribuer.

Une habitude se crée grâce à une boucle liant une action à une récompense en générant une routine.

Par exemple : je suis plus en forme quand je cours deux fois par semaine, je suis de meilleur humeur, mon corps sécrète des endorphines. Par conséquent je fixe une routine qui me force à prendre deux créneaux de course par semaine. Cet effort devient désirable puisque j’ai fait plusieurs fois l’expérience du bonheur que me procure la récompense à cet effort.

Charles Duhigg a décomposé cette boucle en trois étapes dans son ouvrage « The Power of Habbit » : repère -> routine -> récompense

La boucle de l'habitude est toujours amorcée par un repère, c'est à dire un déclencheur qui nous pousse à créer une routine. L'habitude se crée par une routine mentale, émotionnelle ou physique. La résultante est une récompense, qui aide le cerveau à déterminer si cette boucle particulière vaut la peine d'être mémorisée à l'avenir.

La contribution durable à la communauté est régie par la même boucle d’habitude.

Un membre verra un déclencheur externe, comme une notification ou un e-mail et décidera de se rendre dans la communauté pour obtenir la récompense espérée.

Au fil du temps, si les membres contribuent régulièrement et se sentent récompensés, cela formera une routine et ils commenceront à revenir naturellement sans avoir besoin de les inciter.

Les membres les plus expérimentés n’auront plus besoin de recevoir ces notifications, ils auront pris l'habitude de fréquenter la communauté tous les jours.

Dès lors quelles sont les récompenses dont il est question ?

Il existe deux sortes de motivations, celles qu'on appelle extrinsèques et les autres, intrinsèques.

Les motivations extrinsèques sont guidées par des systèmes externes : gagner quelque chose ou éviter d’en perdre : des points, des badges, des lots, des bons de réduction ou une félicitation par l’administrateur de la communauté.

Une motivation intrinsèque est guidée par le plaisir qu’on a à effectuer des actions. Par exemple dans une communauté de co-création, le plaisir de prendre part à la création d’un nouveau service ou un nouveau produit ou simplement de converser avec d'autres membres et la marque.

Il faudra toujours avoir en tête que c’est l’équilibre, le juste dosage des récompenses qui produit l’effet, et que le déséquilibre sera contre-productif. Y compris s’il y a trop de récompenses ! Couvrir de félicitations un participant à la contribution dérisoire démotivera l’ensemble de la communauté. Pire, il pourrait dévoyer le sens de la contribution en substituant aux motivations intrinsèques naturelles et motivations extrinsèques.

Il convient d’être prudent et parcimonieux au moment de proposer des récompenses externes.

Par exemple : prenons le cas d’un ami qui vous appelle à l’aide pour l’aider à finir les travaux de la maison : il manque un coup de peinture et du carrelage à poser. Il emménage dans une semaine et a réellement besoin d’un coup de main. Si c’est un ami, vous trouverez bien un moment le week end ou en soirée pour participer, pour le seul plaisir de le faire. Prenez la même situation où une connaissance vous propose 10€ de l’heure pour tenir le pinceau. Il y a fort à parier que vous préférerez avancer dans votre dernière série ou votre dernier livre de chevet.

En réalité, toutes les transactions sont considérées à l’aune de ce que l’on appelle les normes sociales ou les normes de marché. On aide un ami à peindre la chambre du petit dernier en fonction de normes sociales. Si elle est attachés à cet effort une récompense en monnaie sonnante et trébuchante, on bascule en norme de marché : 10€ de l’heure pour peindre la chambre de son dernier fils ? Jamais de la vie : ce n’est pas assez et d’ailleurs qui a besoin de payer ses « amis » pour lui rendre un service ? En poussant le raisonnement même pour 100€ on hésiterait : il aura des exigences fortes et je ne suis pas peintre !

Il ne faut pas jeter la motivation extrinsèque avec l’eau du bain. Notamment, si la motivation extrinsèque est inattendue.

J’ai aidé mon ami à terminer son chantier et deux semaines plus tard il m’envoie deux bonnes bouteilles avec un mot pour me remercier. Bien joué ! Je reviendrai d’autant plus volontiers la prochaine fois pour tailler ses haies ou poser un carrelage. Une récompense inattendue est un « merci » sincère, quand une récompense attendue n’est en somme pas beaucoup plus qu’un « salaire ».

La méthode SIR permet de réfléchir à la juste façon de récompenser les membres de sa communauté :

• S pour Statut : progresser dans la communauté, gagner des statuts c’est être mis en valeur. Les badges jouent ce rôle : ils récompensent les contributeurs pour leurs actions et leur permettent de les afficher. Dans une communauté de co-création par exemple, je pourrai devenir « testeur » et avoir le privilège de recevoir les nouveaux produits auxquels j’ai contribué au stade du prototype.
• I pour Impact : c’est particulièrement important dans des communautés de co-création où les contributeurs vont avoir besoin de sentir l’impact dans la trajectoire des produits ou services sur lesquels ils contribuent par leurs idées ou feedback. Il est possible de mettre en valeur les membres les plus engagés en les invitant à tester les produits ou services nouveaux (cf supra) ou en participant à des groupes resserrés d’exploration des besoins sur des thématiques particulières ou confidentielles.
• R pour Récompenses : ces récompenses peuvent évidemment avoir une "valeur" à condition de savoir précisément doser ou en misant sur l’inattendu de la récompense (cf supra). Elle peut aussi dans une communauté de co-création être la prolongation de la mission de l’entreprise convoquant cette communauté : l’accès à des contenus gratuits sur la nutrition pour une marque agroalimentaire ou l’invitation à un summer camp avec des athlètes professionnels pour une marque de sport.

Du point de vue la mise en œuvre de cette méthode, une large partie devra être écrite et matérialisée dans un schéma gamifié dont nous avons déjà parlé ici.

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Ce billet emprunte à l'ouvrage de David Spinks "The Business of Belonging" que nous conseillons à tous nos lecteurs