Faire croitre sa communauté de co-création
Votre communauté ne va pas naitre d’une génération spontanée. (Désolé si c'est une mauvaise nouvelle...)
Il va falloir planter la graine, aider sa croissance, contrôler sa maturité et veiller à la pollinisation.
Filons la métaphore du jardinage, et adoptons les gestes « main verte ».
Au stade de la graine : objectif rester en vie. La communauté a besoin de beaucoup de soin, d’une attention constante pour rester en vie.
Pendant la croissance : objectif grandir. La communauté a trouvé son public, elle commence à croitre, se développe organiquement et les premiers membres s’engagent.
A maturité : objectif préserver le rendement. La communauté est établie, structurée et produit du fruit.
La pollinisation : objectif essaimer pour spécialiser. La communauté se divise en sous-communautés qui reprennent au stade de la croissance, sans perdre le lien avec la communauté d’origine.
1er stade : la graine, l’amorçage.
Les chances de survie de votre communauté sont faibles : le vent, le gel, le soleil, trop d’eau ou pas assez…
Votre communauté n’a pas beaucoup de valeur. Il faut se souvenir de ce que nous raconte le petit prince :
c'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
A ce stade c’est moins la valeur (commerciale) de votre communauté qui importe que sa constitution. Vous allez passer beaucoup de temps à recruter, inciter à venir, dans une approche directe auprès des membres « naturels » que vous connaissez presque tous.
C’est la conviction qu’il existe un groupe de personne qui veulent un espace à partager ensemble qui sera le carburant de votre initiative. La communauté n’a pas à ce stade d’identité forte, de normes, de croyances ou de structure formelle. C’est un petit groupe ET un potentiel.
L’organisateur de la communauté doit incarner, avec une très très très haute intensité, la communauté même si personne ne montre encore le bout de son nez. Il est important de persévérer, d’échouer pour apprendre, de s’adapter. Il se peut que la personne à l’initiative de la communauté engage elle-même 90% des conversations. C’est normal, essentiel.
Les tâches auxquelles se livre l’organisateur de la communauté sont très spécifique dans cette phase. Elles sont différentes de celles des autres phases, et différentes de celles qu’il s’imaginait en créant la communauté. Il est bon d’en avoir conscience !
Si l’organisateur de la communauté cherche des comparaisons, qu’il se focalise non pas sur des communautés prospères aujourd’hui, mais sur l’état initial des communautés prospères aujourd’hui ! C’est un travail d’historien ou de paléontologue qui permet cet exercice comparatif, et pas un travail de naturaliste !
Les entreprises qui ont beaucoup de clients pourraient être tentées d’inviter leurs 10.000 clients dès le premier jour. Ce serait une erreur en ceci qu’elles passeraient à côté d’une phase critique de développement : une phase d’apprentissage, d’incarnation et d’observation.
Reddit a commencé par une seule page fréquentée par des ingénieurs logiciels.
Facebook a démarré par une seule page sur un campus universitaire.
La densité sociale qui dopera votre communauté sera plus facile à créer dans un petit groupe restreint, voire sélectionné. Chaque membre disposera de l’attention dont il a besoin. Le contrôle des contributions sera facilité. La base sera solide, reposant sur des membres ayant légitimement l’impression de faire partie d’un groupe spécial, « select ».
La culture de la communauté se formera autour de ce noyau atomique. Elle évoluera avec le temps, bien sûr sans se trahir.
A ce stade l’organisateur de la communauté passera l’essentiel de son temps à recruter, faciliter l’engagement (l’engagement organique sera inexistant ou balbutiant). Pas besoin à cette étape de « mesurer » l’efficacité du dispositif ou sa capacité à donner du fruit. Ce n’est pas le propos ! L’idée directrice est de trouver la bonne adéquation entre votre intention et les membres : il faut demeurer agile, essayer, ajuster.
Pour inciter les premiers membres à contribuer, il sera vraisemblablement nécessaire de leur demander directement, les pousser à se mouiller, les relancer, les remercier, les féliciter ! Il faut les conduire à prendre l’habitude, et comme toute habitude à prendre, un bon pédagogue sera un accélérateur dans la mesure où il accepte de souvent répéter.
Dans une communauté de co-création l’organisateur postera presque tous les sujets autour desquels discuter, produira les questionnaires, fera avancer les sujets seul ou presque. Ce n’est pas grave, c’est normal. D'ailleurs, l'organisateur de la communauté a un avis éclairé, des idées tout à fait appropriées pour générer l'intérêt des premiers curieux. Cela fixera la granularité des interactions attendues et montrera le sens, la mobilité de l’initiative.
La phase de croissance
Une communauté dépasse la phase d'amorçage quand elle se retrouve en phase de croissance.
La communauté commence à produire . Il y a plus de contenus, de conversations créées organiquement.
L’organisateur continue de consacrer du temps à la facilitation, à produire du contenu, à relancer les membres les plus impliqués…mais cette intensité diminue. Admettons que si 90% du contenu était entre ses mains à la phase précédente, ce n’est plus que 50% à ce stade. Le travail sera davantage un travail de facilitation qu’à la production de contenu.
La communauté recrutera de nouveaux membres de manière organique, à mesure que les membres promouvront l’initiative à leurs cercles d’amis, de proches, de collègues…
Dans une communauté de co-création, les retours d’expérience, les suggestions spontanées, les délibérations autonomes entre membres iront croissants. L’organisateur pourra contrôler la qualité des contributions, détecter les membres le plus impliqués (voir l’article dédié). De premières contributions à valeur sont produites par la communauté, que l’organisation reprend à son compte pour les mettre en œuvre (nouveaux produits par exemple).
Le stade de maturité
La communauté est en rythme de croisière. Elle a grandi. Elle fonctionne et produit du fruit. Des normes, des rituels, des rôles, un langage, des symboles communs sont partagés par les membres. 90% du contenu est créé par la communauté. Le rôle de l’organisateur est de gérer, modérer, soutenir les leaders (voir article dédié). C’est un rôle opérationnel, plus distancié des contenus.
Dans une communauté de co-création cela se traduira par une production intense et régulière de nouvelles suggestions, de propositions d’amélioration que la communauté « qualifiera » ou « disqualifiera ». Chaque membre aura en tête le fonctionnement, et la certitude du sens donné à leur engagement.
Il sera naturel de voir un plateau dans la croissance et l’engagement. Quand ce plateau aura duré, il sera probable que les membres chercheront l’excitation du démarrage dans des sous-groupes thématisés. C’est là qu’arrive la dernière phase.
Pollinisation de la communauté
La pollinisation est une évolution normale et souhaitable dans une communauté. A trop grandir, les communautés rendent difficiles la personnalisation de l’expérience communautaire.
Lorsque votre communauté atteint ce stade, vous avez le choix. Vous pouvez le combattre ou vous pouvez l'embrasser. Le combattre garantira essentiellement que ces membres créent la communauté ailleurs.
L'embrasser signifie distribuer le pouvoir aux membres qui se lèvent pour diriger au sein de sous-groupes ou de sous-communautés très liées à la communauté de départ.
Dans une communauté de co-création par exemple, dans le secteur de la mode, une communauté de marque essaimera en x communautés de marque/univers (pantalons, chaussures, accessoires par exemple). Il va sans dire que de la porosité existera entre les sous-communautés de sorte que des membres contribueront à plusieurs avec plus ou moins d’intensité.
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Ce billet emprunte à l'ouvrage de David Spinks "The Business of Belonging" que nous conseillons à tous nos lecteurs