Combattre les biais cognitifs avec l'intelligence collective
L’intelligence collective est la meilleure ennemie de nos biais cognitifs, et donc la meilleure alliée de l’intelligence au sens strict.
Les biais sont des tendances qui nous poussent vers des raisonnements et des décisions irrationnelles. Ces biais sont pour la plupart la conséquence d’une limitation de nos ressources cognitives, parce que nous manquons de temps, d’information, de capacité d’abstraction, ou simplement d’intérêt pour le sujet. Les biais cognitifs peuvent être envisagés comme un raccourci que nous prenons pour poser un jugement rapide. D’un certain point de vue, c’est une célébration de l’efficacité cherchant l’optimisation (la réduction ?) de nos ressources pour établir un jugement.
Malheureusement, la qualité de raisonnement et donc la pertinence des décisions en sont bien souvent altérées.
Parmi les biais cognitifs les plus fréquents nous pouvons citer les suivants.
- Le biais de confirmation consiste en ne garder que les éléments ou arguments à faveur d’une croyance qui précède le raisonnement.
- Le biais de croyance estime la qualité d’un raisonnement à l’aune de la concordance de sa conclusion avec une croyance pré-établie.
- Le biais de corrélation établit des liens forts ou des causalités entre deux évènements non reliés.
- Le biais d’autorité surévalue le poids des arguments de l’individu auquel on prête le plus de légitimité sur un sujet donné.
- L’effet de halo par lequel la perception que l’on se fait d’un groupe ou d’un individu modifie la perception que l’on se fait de chacun de ses membres
Ce ne sont que quelques exemples, parmi les plus populaires, et qui soulignent l’effort considérable à consentir pour s’en extraire. (On osera ici, que le principe même des réseaux sociaux est de se servir de ces biais cognitifs pour créer des communautés homogènes de croyance et par là un sentiment d’appartenance fort.)
L’intelligence collective peut résoudre la difficulté de principe liée aux biais cognitifs. Des renversements de paradigmes majeurs, sont diffusés dans la population par un effet de l’intelligence collective. Ils marquent l’avènement de «nouvelles» vérités.
C’est ce que décrit Hugo Mercier, et une expérience qu’il a menée en apporte une illustration très intéressante (1)
Deux problèmes sont proposés à des groupes d’étudiants. Nous nous concentrerons sur l'un d'eux : le problème de Paul et Linda :
Enoncé : Paul regarde Linda. Linda regarde John. Paul est marié. John n’est pas marié.
Question : Est-ce qu’une personne mariée regarde une personne non mariée ?
Réponses attendues : oui, non, on ne peut pas savoir.
➡ Faites l’exercice et confrontez vos résultats à ceux présentés ci-dessous.
Hugo Mercier a observé que face à ces problèmes de raisonnement pur, les étudiants concluent mal à 90%. Or:
- Si Linda est mariée, puisque Linda regarde John, la réponse est « oui ».
- Si Linda n’est pas mariée, puisque Paul regarde Linda, la réponse est « oui ».
Hugo Mercier explique ce taux d’échec devant un problème sans complexité particulière, par une intuition de principe, qui prend une place centrale dans le raisonnement, tel que l’exercice ne devient plus de résoudre le problème posé, mais de confirmer l’intuition. Le biais de confirmation évoqué en début de billet a altéré la capacité de résolution des individus dans cette expérience.
La suite de l’expérience consiste à faire discuter les participants entre eux, et reposer les mêmes questions. A la fin de l’expérience, 100% des participants proposent la réponse attendue.
Que s’est-il passé ? L’intelligence collective a opéré. Le raisonnement collectif a permis non seulement de faire surgir la vérité, mais aussi, et surtout, de la répandre dans le groupe pour qu’elle fasse consensus. Les recherches de Sperber (2) donnent un éclairage particulier au phénomène en posant que raisonner c’est confronter des arguments. C’est-à-dire que le raisonnement ne peut produire de bons fruits que collectivement, par la confrontation d’arguments en acceptant de convaincre et (surtout) de se laisser convaincre.
En définitive, il semble que l’intelligence collective peut être un remède à nos biais cognitifs, en multipliant la diversité des ancrages et donc en diluant les biais cognitifs de chacun. Ceci suppose toutefois quelques règles que nous avons rappelées dans ce billet, notamment diversité, indépendance et décentralisation des opinions et compétences.
Raisonner c’est un exercice qui implique de douter en premier lieu de ses propres conclusions, et d’accorder de l’importance aux arguments des autres, en particulier quand ils nous prennent à rebrousse-poil !
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PS : L’expérience d’Hugo Mercier est décrite par son auteur dans une conférence.
(1) https://drive.google.com/file/d/1d9CeJFQSzYRzT5_5-TCoAI9FmvBCFW-f/view
(2) https://www.dan.sperber.fr/wp-content/uploads/2009/10/MercierSperberWhydohumansreason.pdf